Des solutions pour baisser les dépenses publiques

· Redressement

« Des solutions pour baisser les dépenses publiques »

Xavier Fontanet - Le Figaro 19 juin 2024 Page 16

Proposer des baisses de TVA et des hausses de salaires soulagera-t-il les peines des Français ?
(Peut être) mais seulement à très court terme. À moyen terme c'est une tout autre affaire, elles vont provoquer une série de réactions en chaîne. Il est un principe incontournable : c'est le principe de l'action et de la réaction. On ne peut juger de la qualité d'une action qu'une fois pris en compte les faits des réactions qu'elle a produites. (NDLR : D'où l'importance des études d'impact).

Les mesures citées ci-dessus vont créer des surcoûts sociaux et fiscaux qui finiront par se loger dans les prix de revient des entreprises. Les premières qui vont souffrir sont celles qui sont exposées à une concurrence étrangère de pays dont la sphère publique et sociale est plus légère que la nôtre. Nos exportations vont chuter et la désindustrialisation continuera. Notre balance commerciale se dégradera encore plus, cela freinera l'économie et les rentrées fiscales avec, au bout du bout, une montée de la dette.

Pourquoi depuis des décennies n'arrive-t-on pas à régler les problèmes des Français ?
À ne s'occuper que des conséquences, sans remonter à la source des problèmes, on renforce les causes qui les ont produits. Ce petit jeu dure depuis des décennies. (NDLR : comme par exemple les politiques du "traitement social" du chômage).

Peut-on voir le déclin économique de la France à travers l'évolution de son PIB par tête ?
(Oui, car) nous dégringolons régulièrement dans les classements de PIB par tête : le PIB par tête de la Suisse, qui était le même que le nôtre à la mort du regretté Pompidou en 1974, est 2 fois et demie
plus élevé aujourd'hui. Le smic en Suisse est à 5000€, les problèmes de pouvoir d'achat ne sont évidemment pas les mêmes à Lausanne et à Paris. On va vous dire : petit pays ! très bien, regardez les États-Unis : l'écart est pratiquement de 1 à 2. On va vous dire : oui, mais ce ne sont pas des Européens.
Prenez les Pays-Bas ou le Danemark : on parle de 50 %.

Quelles ont été les conséquences économiques de l'adoption par les hommes politiques français des théories keynésiennes ?
Pour Jacques Rueff, inspirateur de la vision de De Gaulle et de Pompidou, l'État devait rester sous les 30% du PIB. La nouvelle génération d'hommes politiques a été séduite par la pensée de Keynes, qui prônait la dépense publique comme accélérateur de l'économie. C'est en 1974 qui a eu lieu la rupture. Elle coïncidait avec la crise du pétrole, il n'était pas illégitime de doper l'économie pendant cette période troublée. Tout le monde l'a fait, mais seulement pendant 2 ou 3 ans. Ici, en France, ce fut différent, nos hommes politiques, de droite et de gauche, ont vu dans ces théories séduisantes un
blanc-seing à leur politique de déficit, les économistes prônant cette nouvelle approche se sont vu donner le micro. Le résultat est simple : la dépense publique est passée en 50 ans de 30% du PIB à 58%, ce qui fait que le poids relatif de la sphère publique à la sphère privée à plus que triplé !

 

Comment fonctionne la relation entre la croissance de l'économie et la part de dépenses publiques dans un PIB ?
Quand on compare les taux de croissance sur 50 ans des économies avec les parts de dépenses publiques dans le PIB, on trouve une relation très exactement inverse. Les dépenses publiques qui devaient qui stimuler les économies et les ont, de façon évidente, complètement freinées.

 Que supposait pour la France son entrée dans l'Europe et l'adoption de l'euro ?
L'entrée dans l'Europe et l'adoption de l'euro supposait que la France cale ses politiques financières sur celles de nos voisins : ce ne fut pas le cas.

Est-il vrai que l’État ne peut être assujetti aux mêmes règles économiques qu'une entreprise ou un particulier ?
(Non). Cerise sur le gâteau, Jacques Chirac a lancé l'idée séduisante (mais funeste) de l'État-providence qui laisse penser que l'argent tombe du ciel. L'idée que l’État n'est pas comme un ménage ni comme une entreprise est rentrée dans les mœurs.

Qu'est-ce qui est en grande partie à l'origine de la création de 2 000 000 d'emplois récemment en France ?

Les 2 000 000 d'emplois récemment créés sont en grande partiele fruit de la suppression de l'ISF et de la baisse de la fiscalité sur les dividendes.

Est-il possible pour un pays démocratique (et hors pression d'organisations internationales) de réduire significativement ses dépenses publiques ?

Le fait nouveau, c'est qu'il y a dans le monde des cas exemplaires de pays qui ont réduit de façon significative les dépenses publiques, et que cela a dopé leur économie : Canada, Nouvelle-Zélande et plus près de nous, l'Allemagne. Ces pays ont fait des réformes profondes, le Canada sur les dépenses régaliennes, la Nouvelle-Zélande sur la santé et la retraite, l'Allemagne sur le droit du travail et les relations entre l'État et la sphère sociale. Dans ces 3 cas, les dépenses publiques ont été baissées de l'ordre de 12 points de PIB sur 8 à 10 ans.

La baisse significative des dépenses publiques porte-t-elle atteinte à la croissance de l'économie du pays concerné ?

(Non.) Les faits ont montré que cette baisse a en réalité fait croître l'économie du pays.

Comment expliquez-vous le fameux « Ce qu'on voit et ce qu’on ne voit pas » de l’économiste libéral Bastiat ?
Le moment est propice pour populariser la pensée de Bastiat le génie français respecté dans le monde entier à l'insu de nos compatriotes, et son fameux « Ce qu'on voit et ce qu’on ne voit pas ». Il faut comprendre qu'une dépense publique - un rond-point par exemple, - ça se voit. Ce qu'on ne voit pas, c'est la dépense privée qui a été empêchée. - Ce qu'on ne voit pas, c'est que le résultat c'est le résultat d'un impôt imposé à un particulier. - Ça a pu être un entrepreneur qui aurait acheté quelques machines - ce qui aurait créé des emplois durables, arrangé la balance commerciale et réduit la dette.

Comment expliquez-vous la parabole du bras gauche et du bras droit de Bastiat ?
L'autre parabole de Bastiat, celle du bras gauche et du bras droit, complète l'explication. L'État quand il vous redonne du sang dans le bras droit pour vous mettre en bonne santé est obligé de le prélever dans le bras gauche, mais il doit garder une partie pour gérer son périmètre, qui s'étend. Croyant nous renforcer, sur la durée, il monte les coûts de gestion de la société. Le jockey (l'État français) - est devenu au fil du temps plus lourd que son cheval ; il lui prend son avoine et empêtre ses pas.

Quelles mesures pourraient alléger le poids de la sphère publique et augmenter la productivité en France ?

Il suffit de copier ce qui a marché ailleurs : des contrats seniors pour permettre à ceux qui veulent travailler plus longtemps, ce qui soulagera les caisses de retraite ; un puissant développement de l'actionnariat salarié qui donne un fort complément aux retraites ; la sortie du paritarisme, qui permettra aux partenaires sociaux de mieux mesurer le coût de leur décision ; la suppression d'une couche régionale et la fusion des communes qui sont trop petites ; l'arrêt de certains ministères ; la mise en Bourse de La Poste, la vente de France Télévisions ou son apport à un grand groupe de médias côté ; le recours à des concessions et à la sphère bénévole pour reprendre des activités de la sphère publique ; l'organisation d'une saine concurrence entre éducation privée et publique, puisqu'il est évident que le coût de cette dernière est moins élevé.

Qu'est-ce qui est à l'origine du pouvoir d'achat des citoyens d'un pays ?

Notre pouvoir d'achat n'est fait que de l'envers de notre compétitivité globale. Il faut adopter un régime de sportif pour que notre sphère publique redevienne svelte.