L'Arménie est en fort péril. Non content d'avoir opéré un génocide en 1915 vis-à-vis des Arméniens qu’elle a quasiment faits disparaître de son territoire, la Turquie, dans son obsession de vouloir créer un empire post ottoman et pantouranien, cherche aujourd’hui à éliminer l'Arménie qui lui fait obstacle par son corridor de Zanguezour qui l’empêche de se relier à l’Azerbaïdjan et au-delà aux autres républiques turcophones d'Asie centrale.
Lq Turquie est aidée dans son projet par Israël et discrètement par le Royaume-Uni qui convoite l'exploitation des riches ressources minières du sud de l'Arménie, comme du Haut-Karabakh où elle intervient au profit des Azéris.
Alors que des milliers de Français ont été prompts à manifester pour un soit-disant génocide palestinien qui n'existe que dans leur imagination délirante et pour le Hamas qui n'a pourtant pas hésité à tuer le 7
octobre dernier 41 ressortissants français, pratiquement aucune manifestation de soutien à l'épuration ethnique dont a fait l'objet il y a quelques mois le Haut-Karabakh n'a eu lieu ni en France ni en Europe. Honte au monde occidental et honte aux chrétiens qui oublient que l'Arménie est le pays le plus
anciennement chrétien du monde, peuplé d'un peuple plusieurs fois martyre.
Que l'Arménie et les Arméniens soient assurés que notre mouvement se tiendra résolument à leurs côtés, quelle que soit la suite des événements.
1- « L'Arménie est un éclat de nous-mêmes fiché dans l'Orient »
propos de Sylvain Tesson
La Revue des deux mondes - décembre 2022/janvier 2023
P11 L'Arménie est un témoin d'alerte. Au 19e siècle dans lesmines de charbon, les mineurs emportait un canari pour les prévenir des coups de grisou : lorsqu'il arrêtait de chanter, c'est qu'il était asphyxié et
que l'explosion était proche.
P12 L'Arménie est le canari de l'Europe. Qu'elle tombe et il en cuira à la vieille Europe
dépositaire de la culture judéo-chrétienne qui a donné au monde ladémocratie, la liberté, ses arts et sa science. Le principe qui anime aujourd'hui les Turcs est celui de l'expansion. La Turquie se sent àl'étroit, ses coutures craquent. Recept Tayyip Erdoğan rêve de s'étendre à l'est et à l'ouest de ses frontières. Il rêve à la profondeur turcique. Il mélancolise en pensant à son ancienne emprise balkano-magyare. C'est une géopolitique du débordement fantasmé. (-) le sort qui s'acharne sur l'Arménie
révèle cette expansionnisme enfoui anatalo- caspien.
Les Azéris ont attaqué l'Arménie, violé son intégrité, passéles bornes. Dès lors, puisqu'ils ne se contenteront pas du jardin noir, de l'îlot maudit, la question n'est pas quand attaqueront-ils, mais bien où s'arrêteront-ils ?
« Il faut livrer le Karabakh pour sauverl'Arménie » disaient certains spécialistes du droit international.Cette méthode du « poste sacrifié » n'a jamais enthousiasmé les Sudètes.
P13 Mais leKarabakh était le cœur spirituel de l'ancien Royaume, on voit mal comment le
sacrifice du cœur permettra de sauver l'organisme.
Le projet azéri contient autre chose. Un non-dit : l'effacementd'un peuple. Cette volonté de rectification de l'histoire s'ajoute à l'entreprise de conquête géographique.
P14 L'invasion azérie n'est-elle pas formellement similaire à celle des Russes en Ukraine ? pourtant
là réaction européenne a été molle.
L’e « gazerbaïdjan » s'inspire de Poutineet de sa politique du fait accompli.
En octobre 2022 le président Macron à Prague a tenté une médiation et une exhortation à respecter le droit national. Puis il aaffirmé publiquement qu'il ne lâcherait pas les Arméniens. (-) Il faut qu'il tienne parole.
(faire) Une entrée dans l'histoire plutôt qu'une sortie de crise.
P16 (-) Mais de toutes les fables structurantes, la fable chrétienne est ma préférée. Elle a permis que nous soyons libres et que les
madones de Raphaël existent. Cette affection me porte vers l'Arménie.u malheureux exilé des guerres de la bande arabo- musulmane). Pour eux, la seule issue. Mais la pensée moderne n'oublie parfois la grandeur de « ceuxqui demeurent ». Quise souvient de ces hommes qui ne migrent pas ? il faut en parler. En Arménie, dans les villages près de la frontière azérie, à portée de canon et de haut-parleurs qui diffusent propagande et des prières, j'ai rencontré des villageois qui reconstruisaient les villages attaqués en septembre. Cultiver sa vigne à l'ombre d'un clocher en risquant une déflagration me semble mériter autant de considérations que gagner l'Europe pour fuir les combats.
Je suis un chrétien sans foi. Appelons cela un chrétien de civilisation. Les fervents détestent cette position, je le sais. (-) (Mais,) je défends la chrétienté pour sa capacité d'organisation et de considération du monde. (-) Je me méfie du tripatouillage politique de la parole évangélique (le christianisme), mais je m'inscris dans la chrétienté. C'est cette équation bancale qui me porte vers l'Arménie.
P16 (-) Mais de toutes les fables structurantes, la fablechrétienne est ma préférée. Elle a permis que nous soyons libres et que les madones de Raphaël existent. Cette affection me porte vers l'Arménie.Certains députés et sénateurs nous expliquent que ce n'est pas une guerre de
religion. Le projet d'Erdogan et d’Aliev a peut-être d'autres motifs que la seule victoire du Croissant sur la Croix mais l'histoire est un grand récit puissant, ancien et mystérieux et cette vieille lutte d'Orient et d'occident explique encore beaucoup de choses.
P17 Le monde devient légaliste. Le droit a remplacé la vision de l'histoire. Comme si le destin de l'humanité s'écrivait dans un cabinet d'avocats. Au droit international je préfère le devoir national ou les devoirs de l'âme. La continuation de l'Arménie est un devoir d'éternité, de maintien, de mémoire. C'est une lutte des temps.
il y a une identité du chagrin chez certains Arméniens. L'identité du chagrin est pesante quand elle devient la fabrique des larmes.
L’héritage de la tristesse arménienne. Mais parfois, le chagrin suscite et féconde l'esprit de résistance.
La repentance est une chose très noble. Seuls les Européens en sont capables. Un jour, vous verrez, nous serons sommés de nous repentir d'avoir su prouver notre supériorité morale en nous repentant. Ce sera la repentance de la repentance. La repentance devient mortifère quand elle coiffe tout. Car à trop dire pardon on se prend dans sa propre toile d'araignée.
P18 « La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre » a écrit Yves Lacoste.
La carte de l'Arménie du 18e siècle prouve que toutes les plaines ont été soustraites à l'ancien Royaume. La montagne devient alors le recours. L'Arménie est un « Etat refuge ». Il y a une géographie mondiale des bastions : montagne des Berbères, des Kurdes, des Ismaéliens
de Syrie, des Tibétains, des Arméniens. (-) En Arménie c'est devenu un motif esthétique : à l'Église sur son piton et le piton devant la vallée et l'église comme forteresse. Tout est redoute puisque tout est redouté. (-)Le Karabakh lui-même ressemble à ce qu'il est : une citadelle.
Les garanties de sécurité (-) ne suffisent plus quand l'ennemi a décidé de vous annuler. Est venu le temps de la sanction à l'encontre de l'agresseur et de l'envoi d'armes défensives pour l'agressé.
P19 - Les Azéris ont des drones les Arméniens les kalachnikovs des anciens.
C'est très émouvant de voir ces paysans accrochés à leurs rochers. Ils pourraient partir. La communauté internationale arménienne est organisée pour accueillir l'exil. Or ces gens font le choix de rester.
(En Arménie je pensais) aux Orientales de Victor Hugo, qui racontent la libération de la Grèce. Il les écrit en 1829. Souvenons-nous du poème « L'enfant ». Le narrateur voit un enfant grec qui pleure, il lui demande « Que veux-tu ? fleurs, beaux fruits ou l'oiseau merveilleux ? » L'enfant répond : « Je veux de la poudre et des balles. »
Ce poème commence par un alexandrin qui permet d'économiser la lecture de 3 gros volumes de géopolitique : « Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. »
P20 J'aime la légitimité du temps. C'est la seule qui m'intéresse. Le camp adverse cherche des poux dans les traités de droit international, tandis que les Arméniens n'ont qu'un argument : deux millénaires.
2 - « Pour l'Arménie »
Éditorial de Valérie Toranian
Revue des deux mondes - novembre 2022
P4 - L'Azerbaïdjan a attaqué (en février 2022) l'Arménie dans ses frontières en totale violation du droit international. 300 morts et des centaines de blessés en seulement 2 jours. L'offensive militaire a été provisoirement stoppée. L'Arménie, pays héritier d'une civilisation chrétienne millénaire,
est enclavée entre l'Azerbaïdjan d’Ilham Aliev à l'est et la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan à l'ouest. Les 2 dictateurs musulmans se considèrent, selon l'expression d'Erdoğan comme « deux États, une seule nation » et caresse un même rêve : faire « sauter » le verrou arménien et créer un grand espace panturc musulman qui irait du Bosphore à l'Asie centrale.
Tout comme Poutine considère l'Ukraine comme un prolongementnaturel de la Russie sans tenir compte de l'histoire et de la volonté des Ukrainiens, le sultan turc qui est son allié azéri considère l'Arménie comme leur territoire. P5 - En dépit de l'histoire, puisque l'antériorité des Arméniens
sur ses terres est incontestable, et en dépit du droit, puisque l'Arménie est une République indépendante. (-)
Les 2 dictateurs alliés et Erdoğan veulent conquérir le sud de l'Arménie, comme ils ont reconquis le Haut-Karabakh à l'issue de la guerre menée en 2020. C'est une épuration ethnique à bas bruit. Lors de l'agression des 13 et 14 septembre, toutes les cibles étaient civiles. L'objectif est de tuer ou de terroriser les populations, afin qu'elles fuient définitivement. () Parachever le génocide de 1915.
(Aucun pays d'Europe et d'Occident ne s'est levé) pour condamner (ni sanctionner) cette violation du droit international doublé d'une menace existentielle sur tout un peuple. (-) Une majorité d'États renvoient dos à dos agresseurs et agressés.
Et Ursula von der Leyen a acheté du gaz au dictateur Aliev. La vie des Arméniens compte moins dans la balance qu'un peu de chauffage supplémentaire. Cette démarche déshonorante était de plus parfaitement inutile : l'Azerbaïdjan n'a pas d'autre marché possible que l'Europe pour exporter son
gaz, alors que l'Union européenne importe du gaz de plus de 30 sources différentes. Aliev aurait de toute façon vendu son gaz à l'Europe car il est demandeur. (-)
L'Europe aurait dû bien au contraire profiter de ce contratpour exiger de l'Azerbaïdjan qu'il mette fin à son agression. Ursula von der Leyen ne cessé de marteler que l'Europe ne veut que des partenaires fiables. En quoi l'Azerbaïdjan, dirigé depuis 30 ans par le clan Aliev qui a détourné des milliards à son profit, qui saigne et muselle son peuple et attaque son voisin, est-il un partenaire fiable ?
(-) L'expansionnisme turc menace aussi la Grèce. Et n'oublions pas qu'Erdoğan appartient à la confrérie des Frères musulmanset (P6) - qu'il ne cesse d'intervenir auprès de la communauté Turque en France pour faire progresser l'islamisme.
Il a dit à propos de la loi sur le séparatisme que leprésident Macron devait aller « se faire soigner ». Il ne cesse de critiquer la France pour son islamophobie et sa loi de 2004 contre le port des signes religieux à l'école. Son ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu est venu à Strasbourg le 9 octobre et a appelé la communauté turque à s'opposer aux Arméniens. De quelle manière ? par la force ?
Si l'Europe et l'Occident défendent l'Ukraine au nom de la souveraineté nationale et de la démocratie, alors l'Arménie doit être défendue au même titre. À l'instar de Poutine, Erdoğan et Aliev sont des champions du non-respect des droits de l'homme. Ils partagent le même mépris pour l'Occident
et ses « mœurs dégénérées ». Tandis que l'Arménie, depuis sarévolution de velours en 2018, est une démocratie, qui a élu son Premierministre sur un programme anticorruption et chassés du pouvoir les oligarques.
La Russie, qui était censée défendre militairementl'Arménie en cas d'agression sur son sol, n'a pas bougé lors de l'offensive militaire azérie. Elle est affaiblie militairement et surtout ne veut pas contrarier son partenaire turc dont elle aura certainement besoin à l'avenir. L'Arménie est absolument livrée à elle-même.
Le président Emmanuel Macron pourrait incarner l'honneur de la France et de l'Europe s'il prenait l'initiative de mobiliser la communauté internationale. Pas seulement en envoyant « une mission civile » pour tenter de « normaliser » la situation. Mais en refusant de rester neutre dans ce combat entre une démocratie agressée et des dictatures ivres de leur toute-puissance, pratiquant des crimes de guerre et rêvant de restaurer les empires.
Au nom des valeurs qui sont les nôtres et pour lesquelles nous défendons l'Ukraine il faut sauver la petite Arménie.
(Retrouvez tous les lundis les éditos de Valérie Toraniansur le site www.revuedesdeuxmondes.fr)
3 - La guerre de 2023 au Haut-Karabagh
Wikipédia (janvier 2024)
Elle a commencé le 19 septembre 2023 à l'initiative de l'Azerbaïdjan officiellement pour des raisons d'« antiterrorisme ». Elle succède au blocus du Haut-Karabagh en cours depuis décembre 2022, le gouvernement d'Ilham Aliev souhaitant prendre le contrôle total de la république autoproclamée du Haut-Karabagh, déjà partiellement conquise à la suite de la guerre de 2020.
Dans le contexte régional, ce nouveau conflit armé fait partie d'une suite d'accrochages plus ou moins graves survenus depuis plusieurs années entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, plus particulièrement au cours de la crise frontalière entre ces deux pays qui s'estdurcie depuis 2021.
Au terme de vingt-quatre heures de combats,les séparatistes déposent les armes. Un cessez-le-feu ainsi qu'une trêve sont décrétés au début de la journée du 20 septembre à la suite de la médiation des forces de maintien de la paix russes présentes sur place. Des négociations se tiennent à partir du 21 septembre. Le 28, Samvel Chakhramanian annonce la dissolution par décret de l'Artsakh — effective au 1er janvier 2024 — sur fond d'exode de la population vers l'Arménie.
Contexte
Commencé pendant la dislocation de l'URSS, le conflit du Haut-Karabagh est l'un des plus anciens conflits post-soviétiques, à enjeux ethniques et territoriaux, opposant l'Arménie et l'Azerbaïdjan, indépendantes en 1991, à propos de la région du Haut-Karabagh, habitée principalement par des Arméniens et ayant formé, au temps de l’URSS un oblast autonome au sein de l'Azerbaïdjan soviétique.De 1991 à 2020, il fut entièrement revendiqué et partiellement contrôlé par la République d'Artsakh, entité séparatiste non officiellement reconnue (pas même par l'Arménie), qui, selon le droit international, est considérée comme faisant partie de l'Azerbaïdjan. Depuis la fin dela guerre de 2020, l'Azerbaïdjan contrôle un tiers du Haut-Karabagh ainsi que les sept districts environnants autrefois occupés par ce dernier.
Après la seconde guerre du Haut-Karabagh de 2020, une crise frontalière a débuté entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan sur fond de tension diplomatique entre les deux États et ce malgré les accords du cessez-le-feu. L'Azerbaïdjan, ayant remporté cette guerre, est alors en position de force. Depuis lors, l'Azerbaïdjan a annulé son offre de statut spécial ou d'autonomie des Arméniens du Haut-Karabagh et promeut en lieu et place leur « intégration » en Azerbaïdjan. Les incursions militaires de l'Azerbaïdjanen 2021 et 2022 lui ont permis de redessiner en sa faveur la frontière entre les deux pays en s'emparant de hauteurs stratégiques. Les médiateurs internationaux et les organisations de défense des droits de l'homme mettent quant à eux l'accent sur le droit àl'autodétermination de la population arménienne locale.
Une élection présidentielle a eu lieu en Artsakh le 9 septembre 2023.
La propagande officielle de Bakou contient toujours des éléments expansionniste et qualifie la République d'Arménie d'« Azerbaïdjan occidental ».
Déroulement chronologique
Le 19 septembre 2023, l'Azerbaïdjan attaque le Haut-Karabagh prétextant une opération antiterroriste après la mort de sept soldats azerbaïdjanais à la suite de l'explosion d'une mine, attribuée à des séparatistes arméniens. Dans un communiqué publié par le ministère de la Défense azerbaïdjanais, les
responsables ont déclaré qu'ils lançaient des « activités antiterroristes locales » pour « réprimer les provocations à grande échelle » ainsi que « désarmer et garantir le retrait des formations des forces
armées arméniennes de nos territoires, (et) de neutraliser leurs infrastructures militaires » dans le territoire contrôlé par le Haut-Karabagh. Les forcesarmées azerbaïdjanaises bombardent le Haut-Karabagh.. Des drones kamikazes israéliens et des drones de guerre turcs auraient été utilisés par les forces azerbaïdjanaises contre la capitale du Haut-Karabagh, Stepanakert. Dans la soirée du 19 septembre, le nombre de civils évacués était de 7 000..
Le 20 septembre, les séparatistes arméniens annoncent déposer les armes. Un cessez-le-feu est annoncé dans la foulée par le ministre de la Défense azerbaïdjanais dans la région séparatiste du Haut-Karabagh. Une trêve est également annoncée avec la préparation de négociations quant à l'intégration de ces territoires et le désarmement des forces présentes sur place. Les discussions doivent avoir lieu dans la ville de Yevlax en Azerbaïdjan le lendemain. Le même jour, un véhicule des soldats de maintien de la paix russes est pris pour cible, l'équipage est mort, annonce le ministère de la Défense de
Russie.
Évacuations de la quasi-totalité de la population du Haut-Karabagh
L'Azerbaïdjan remet aux autorités du Haut-Karabagh une liste de personnes dont il demande l'extradition vers Bakou pour l'ouverture d'un couloir humanitaire vers l'Arménie, rapporte le média
arménien Hraparak. Il est rapporté que les habitants de la ville de Martakert ont refusé de se rendre et ont declaré qu'ils vont se battre jusqu'au bout.
Le 21 septembre, des négociations s'engagent entre l'Azerbaïdjan et les séparatistes arméniens avec la présence de la mission de maintien de la paix russe, mais sans celle d'une délégation de l'Arménie. En parallèle de la réunion, des tirs sont entendus à Stepanakert, capitale de la région séparatiste. Selon les rapports, l'ancien colonel de l'Armée de défense du Haut-Karabagh, Karen Jalvyan, et ses soldats auraient refusé de déposer les armes. Le 22 septembre, Hikmet Hajiyev, conseiller en politique étrangère du président azerbaïdjanais, déclare que le pays peut accorder une amnistie aux militaires
du Haut-Karabagh s'ils déposent les armes. L'armée du Haut-Karabagh a entamé le processus de remise d'armes et demunitions, selon le ministère russe de la Défense. Selon des rapports, l'Azerbaïdjan aurait donné trois jours aux séparatistes pour remettre leurs armes. Stepanakert est encerclée le jour même.
La Hongrie bloque une déclaration commune de 27 pays de l'Union européenne condamnant l'offensive azerbaïdjanaise au Karabagh.
David Babaïan, conseiller du président du Haut-Karabagh, dément que l'Azerbaïdjan a fourni une aide
humanitaire au Karabagh comme cela a été rapporté par les médias azerbaïdjanais. Il affirme également qu'aucun accord n'a été conclu avec l'Azerbaïdjan concernant les garanties de sécurité ou l'amnistie. Le 23 septembre, les soldats de maintien de la paix russes ont déclaré avoir assuré la livraison de 50 tonnes d'aide humanitaire au Haut-Karabagh. Pendant ce temps, le média Republic of Artsakh affirme que les habitants du Karabagh stationnés à la base des soldats de maintien de la paix russes se
trouvent là-bas dans des « conditions insupportables », sans nourriture ni eau.
L'Institut Lemkin pour la prévention du génocide rapporte que des informations proviennent du Haut-Karabagh faisant état de crimes graves commis par l'armée azerbaïdjanaise contre des civils. « Nous espérons que ce n’est pas vrai, mais nous avons toutes les raisons de croire que c’est le cas », ont-ils déclaré.
Le quartier général de l'information du Haut-Karabagh rapporte qu'aucun militaire azerbaïdjanais n'est
entré dans Stepanakert et que des soldats de maintien de la paix russes sont stationnés à la périphérie de la ville. Le contingent russe de maintien de la paix rapporte qu'un militaire azerbaïdjanais a été blessé à la suite d'une violation du cessez-le-feu dans la région de Martakert. Le média Republic of Artsakh rapporte que les troupes azerbaïdjanais creusent des tranchées sur toute la longueur du contact avec Stepanakert et ses environs.
Le 24 septembre,l'évacuation des civils du Haut-Karabagh vers l'Arménie commence après l'ouverture du point de passage entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Le 25 septembre, le deuxième cycle de négociations a lieu entre le Haut-Karabagh et l'Azerbaïdjan. Elles se concentrent sur l'assistance humanitaire et médicale. Le 26 septembre, les autorités annoncent qu'au moins 28 000 habitants du Haut-Karabagh ont trouvé refuge en Arménie. Le lendemain, le chiffre dépasse les 50 000.
L'Azerbaïdjan déclare que 192 soldats azerbaïdjanais avaient été tués et 511 blessés lors des récents
combats.
Le Service d'urgence du ministère de l'Intérieur du Haut-Karabagh appelle les habitants à ne pas brûler
leurs appartements, magasins et autres objets importants jusqu'à ce que toute la population du Karabagh se déplace en Arménie.
Le 28 septembre, le président du Haut-Karabagh, Samvel Chakhramanian, signe un décret dissolvant la république dans la période avant le 1er janvier 2024.
Le troisième cycle de négociations entre les représentants de Stepanakert et Bakou se tient à Yevlakh.
Le 30 septembre, il est annoncé que l'ONU allait déployer une mission dans la région. Elle évaluera les besoins humanitaires des habitants. Le nombre de réfugiés du Haut-Karabagh dépasse les 100 000 personnes, rapportent les autorités arméniennes.
Le 4 octobre,Chakhramanian se réfugie en Arménie. Le 15 octobre, l'armée azerbaïdjanaise entre dans Stepanakert et le président Aliyev hisse le drapeau du pays.
Le gouvernement en exil de la République d'Artsakh s'installe le 16 octobre 2023 dans les locaux de la
représentation diplomatique à Erevan. Alors que des déplacés arméniens du Haut-Karabagh y organisent le 20 octobre une manifestation à ses abords, Chakhramanian déclare avoir signé le
décret de dissolution dans le but de préserver les vies des civils d'un assaut azéri. Il ajoute qu'« aucun document » ne peut abolir « la République d'Artsakh [, qui] n'est pas dissoute ».
Prisonniers arméniens
Le 27 septembre, l'armée azerbaïdjanaise arrête l'ancien chef du gouvernement du Haut-Karabagh Ruben Vardanian. Il a été arrêté dans le couloir de Latchine, à la sortie du territoire du Haut-Karabagh. Un tribunal de Bakou place en détention Ruben Vardanyan. Il risque au moins 12 ans de prison.
Le 29 septembre, lesforces de sécurité azerbaïdjanaises arrêtent l'ancien ministre de la Défense du
Haut-Karabagh, Levon Mnatsakanyan.
Le conseiller du président du Haut-Karabagh, David Babayan, déclare qu'il avait décidé de se rendre aux
autorités azerbaïdjanaises. Le bureau du procureur général d'Azerbaïdjan annonce la détention de David Babayan.
Le 3 octobre 2023,les quatre derniers anciens présidents du Haut-Karabagh sont arrêtés par les services de sécurité azéris.
Bilan humain et matériel
À la date du 28 septembre, le bilan est de 213 morts chez les séparatistes arméniens. L'Azerbaïdjan affirme sa part que 192 militaires et un civil ont été tués dans l'offensive. Certaines sources évoquent plus de 600 morts, civils et militaires confondus.
Réactions
États
Arménie
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a déclaré que les forces armées arméniennes n'étaient pas impliquées dans les combats et n'étaient pas stationnées au Haut-Karabagh. Il a également réitéré que la situation à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan était stable et a déclaré que l'Azerbaïdjan tentait de procéder au nettoyage ethnique de la région. Pachinian a également déclaré que le but de l'Azerbaïdjan était d'entraîner l’Arménie dans un affrontement militaire.
Des centaines de manifestants se sont rassemblés devant les bâtiments gouvernementaux de la capitale Erevan, dénonçant ce qu'ils considèrent comme de l'indulgence de la part de Pachinian à l'égard de l'Azerbaïdjan et de la faiblesse au Haut-Karabagh, certains appelant à un coup d'État et à la destitution du premier ministre. Pachinian a dénoncé ces manifestations en déclarant : « Nous ne devons pas permettre à certaines personnes, à certaines forces de porter un coup à l'État arménien ».
Azerbaïdjan
Hikmet Hajiyev, conseiller du président azerbaïdjanais, a déclaré que Bakou ne serait prêt à parler aux Arméniens du Haut-Karabagh qu'une fois qu'ils auraient hissé le drapeau blanc et désarmé. Il a également ajouté que l'Azerbaïdjan n'a aucun objectif militaire en Arménie.
France
La France est le premier pays européen à avoir condamné l'assaut azerbaïdjanais sur le Haut-Karabagh. Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré le jour même qu'aucun prétexte ne pouvait justifier l'opération militaire lancée par l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh. La France a également demandé l'organisation d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies.
Iran
L'Iran s'est rapproché de l'Arménie en 2022 et la politique de Téhéran envoie un soutien actif à l’Arménie en contrepoids à l'Azerbaïdjan dont les relations sont tendues du fait que l'Azerbaïdjan est un proche allié d'Israël. Bien que l'Iran soutienne officiellement l'intégrité
territoriale de l'Azerbaïdjan, la persécution des membres du Mouvement de résistance islamique d'Azerbaïdjan (une organisation et un groupe armé chiite) par le pouvoir de Bakou a augmenté l'hostilité entre les deux pays. L'arrestation du militant chiite Yunis Safarov a augmenté la méfiance de l'Azerbaïdjan envers l'Iran, certains journaux ont notamment accusés l'Iran et l'Arménie d'avoir préparé une attaque. De plus, l'Iran a mené plusieurs exercices militaires près de la frontière azerbaïdjanaise et a menacé à plusieurs reprises l'Azerbaïdjan en 2023 en cas d'attaque contre le territoire de la république d'Arménie.
L'Iran s'oppose à la remise en cause des frontières dans le Caucase et critique les discours irrédentistes de Bakou à destination de sa population azérie du Nord. La République islamique a demandé à Bakou de renoncer à l'ouverture d'un corridor en territoire arménien visant à lui permettre de disposer d'un accès direct à son exclave du Nakhitchevan et, au-delà, à la Turquie. Elle a proposé comme solution de rechange au corridor sud-arménien une voie de passage qui transiterait sur son propre territoire, dans le but de détourner Bakou de ses tentations annexionnistes vis-à-vis de
l'Arménie. Le 6 octobre 2023, l'Azerbaïdjan et l'Iran ont signé un protocole d'intention pour la construction d'une voie ferrée.
L'Iran a accusé Israël d'avoir participé à l'escalade, affirmant qu'il ne tolérera aucune « initiative sioniste visant à remanier les frontières dans la région ».
Israël
L'aide israélienne sous forme de renseignements et de matériels militaires a été décisive. Israël est le premier fournisseur d'armes de l'Azerbaïdjan et soutient ce pays depuis le début de la guerre du Haut-Karabagh de 1991. Israël représente 27 % des principales importations d'armes de l'Azerbaïdjan de 2011 à 2020, puis 69 % de 2016 à 2020. Par ailleurs, Elta Systems, une filiale d'Israël
Aerospace Industries (IAI), a effectué une cartographie du Haut-Karabakh « qui a aidé les forces azéries à mener leurs opérations sur le champ de bataille pendant la guerre. »
En 2023, une semaine avant le nouveau conflit, Israël a livré de nombreuses armes à l'Azerbaïdjan, dont des drones kamikazes IAI Harop, également utilisés pendant la seconde guerre du Haut-Karabagh de 2020. Les forces armées de l'Azerbaïdjan ont également testé un missile israélien avancé livré par un cargo une semaine avant le conflit alors que les tensions arméno-azerbaïdjanaise étaient vives.
Russie
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré dans un communiqué que la Russie était « profondément alarmée par cette forte escalade ».
Les troupes russes déployées dans la région pour préserver la paix ne se sont pas interposées face à l'offensive azérie, ce qui suggère qu'un accord préalable entre Moscou et Bakou pourrait avoir été passé. Le changement de position de la Russie pourrait être lié à la guerre en Ukraine. Deux jours avant le début de l'invasion de ce pays en février 2022, le Kremlin recevait le président azéri Aliev pour signer un pacte d'alliance. Depuis, l'Azerbaïdjan est devenu une plate-forme de réexportation du pétrole russe et ainsi un partenaire-clé pour contourner les sanctions occidentales. Plusieurs dirigeants politique et militaires arméniens du Haut-Karabakh, qui s'étaient placés sous la protection des forces russes, ont été arrêtés par les autorités de Bakou, sans que Moscou n'intervienne.
Dmitri Peskov, porte-parole de la présidence russe, dément également les accusations de l'Arménie selon lesquelles les soldats de maintien de la paix du pays n'ont pas réussi à protéger le Haut-Karabagh de l'attaque azerbaïdjanaise, les qualifiant de « sans fondement ». Une semaine avant les combats, le président Vladimir Poutine déclare que son pays ne pourrait rien faire si l'Arménie avait déjà reconnu le Haut-Karabagh comme partie de l'Azerbaïdjan, faisant référence aux déclarations faites par
Pashinian en mai qui semblait reconnaître la souveraineté de l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh en échange de garanties de sécurité envers la population arménienne.
Turquie
Hakan Fidan, le ministre des Affaires étrangères, a offert son soutien diplomatique à l'Azerbaïdjan, déclarant que leur opération militaire était « justifiée » et que « l'Azerbaïdjan a pris les mesures qu'elle juge nécessaires sur son propre territoire souverain ».
États-Unis et Union européenne
Face à l'absence de soutien russe, le premier ministre Nikol Pachinian a cherché des appuis du côté occidental, mais sans trouver de réel soutien. Les États-Unis et l'Union européenne se réjouissent de la dégradation des relations entre l'Arménie et Moscou mais entendent ne pas s'aliéner l'Azerbaïdjan.
En juillet 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est rendue à Bakou pour accroître les importations de gaz naturel en provenance d'Azerbaïdjan sans assortir cet accord d'aucune condition concernant le Haut-Karabakh ou la répression des opposants politiques. Ce nouvel accord permet d'apporter quelque 15,6 milliards d'euros supplémentaires par an au budget de l'État azéri.
Les Etats-Unis et l'Union européenne n'ont adopté aucune sanction contre Bakou suite à l'invasion du Haut-Karabakh, à l'inverse des sanctions massives décidées contre Moscou après l'invasion de l'Ukraine.
Organisations internationales
Dès le 20 septembre via son porte-parole, le secrétaire généralde l’ONU), António Guterres, a appelé à un « arrêt immédiat des combats, à la désescalade et au respect plus strict du cessez-le-feu de 2020 et des principes du droit international humanitaire ». Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU à la suite de l'appel de la France, est prévu le 21 septembre dans l'après-midi.