Extrait de l'article du Figaro du vendredi 16 février 2024, page 17 d’Olivier Babeau - : « Fiasco du bonus réparation : Nos dirigeants ne comprennent pas les mécanismes économiques de base »
O. Babeau est professeur à l'université de Bordeaux et essayiste. Il a notamment
publié « La tyrannie du divertissement » Chez Buchet Chastel 2023
Le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu a annoncé le doublement du montant du bonus pour 5 appareils quotidiens (TV, lave-linge, aspirateur, etc.) et l'augmentation de 5€ du bonus
réparation pour les produits électroniques. Seulement, l'Association de consommateurs CLCV a révélé que depuis la mise en place du dispositif en 2022, les prix de certains dépannages ont grimpé en moyenne de 10% à 15%. Autrement dit, l'argent public du bonus censé aider les consommateurs passent dans la poche des entreprises. Sans compter l'armée de fonctionnaires nécessaires à la mise
en place et au fonctionnement de ce type de mesure réputées être « très simples ». () Rappelons-nous que pour Kafka « Les chaînes de l'humanité tourmentées sont en papier de ministères. »
Cette affaire révèle quelque chose de plus fondamentalement inquiétant : l'absence de compréhension par nos dirigeants des mécanismes économiques de base. Face à une offre de service relativement rigide (on n'ouvre pas un réparateur labellisé comme cela), la réaction normale et même saine à une augmentation subite de la demande est une augmentation des prix.
Ce genre d'incompréhension des mécanismes microéconomiques de base () c'est typiquement le problème associé aux aides liées au logement (comme les APL qui font monter les loyers).
() En 2020, la présidente du jury d'admission de l'ENA déplorait dans son rapport « la méconnaissance par les candidats de la vie des entreprises, de ce qu'est un modèle économique, la faible culture industrielle et microéconomique (…) »
Pour ceux qui nous dirigent et peuplent nos administrations hélas souvent dépourvus de réelles expériences du secteur privé, l'entreprise est avant tout une source de recettes fiscales. Autre triste leçon de l'affaire. (Elle nous confirme que) l'État se disperse dans mille interventions à l'utilité douteuse. On le sait depuis Sénèque : « qui est partout n'est nulle part » - L'État néglige la vision, s'épuise sur le superflu et rate le nécessaire. On l'aurait souhaité moins concentré sur la production de micro dispositifs écologiques finissant en eau de boudin que prompt à lancer le grand œuvre du renouvellement de notre parc nucléaire. Il a pris de trop nombreuses années de retard par incapacité à se détourner. L'effet écologique aurait été autrement plus probant. L’État s'éparpille et se complexifie, produit des lois et réglementations bavardes qui nécessitent à leur tour plus de prélèvements. Le tout en nous traitant en éternels mineurs.
Chers dirigeants publics () assurez les missions régaliennes et créez un cadre simple et pragmatique pour notre compétitivité et la difficile transition écologique. Nous avons besoin d'un État fort là où ilest utile. S'il n'est pas nécessaire qu'il soit quelque part, il est nécessaire
qu'il n'y soit pas. Faites moins pour faire bien.