Pourquoi l'Europe doit soutenir l'Ukraine son rempart face à l'éternel impérialisme russe

· Nos priorités internationales

I - Pour SauvNat, l'Europe (et l'OTAN) doit combattre les Russes en Ukraine

Accepter le fait accompli de l'agression russe de l'Ukraine pour récupérer ses soi-disant territoires, historiques c'est acter que le droit international n'existe plus, car remplacé par la loi du plus fort dont pourront se prévaloir tous ceux qui voudront récupérer leur territoire : les Hongrois pour la Tansylvanie roumaine, et le sud de la Slovaquie, les Polonais, Baltes voire Allemands pour Kaliningrad (patrie de Kant), le Kosovo pour la Serbie .... et les Turcs pour l'Ukraine du Sud et la Crimée terre ancestrale des Tatares !

L'Union européenne doit donc :

1 - désigner son ennemi actuel (et le plus dangereux) qui est le régime poutinien, car "Affermir Kiev et abattre Poutine, constitue un seul et même objectif."

2 - circonscrire ses objectifs qui sont :

  • permettre à l'Ukraine de récupérer ses frontières de 1991 (incluant la Crimée)
  • traduire Poutine et ses hiérarques devant la justice internationale
  • mener le procès officiel de l'ère soviétique
  • aider les Russes à réhabiliter leurs figures historiques d'auto-limitations : "Soljenitsyne est le prophète de l'auto-limitation. Le messianisme soviétique était une folie ; la poursuite du rêve impérial, une grave erreur. Car, selon lui, la Russie se trahit lorsqu'elle se fait empire" Jean-François Colosimo (Revue des 2 mondes septembre 2022 p6)
  • « Dans mon cœur, il n’y a pas de la place pour un conflit russo-ukrainien et si, Dieu nous en préserve ! nous enarrivions à cette extrémité, je peux le dire : jamais, en aucun cas, jen'irai moi-même participer à un affrontement russo-ukrainien …. quels que soient les efforts déployés par des têtes brûlées pour nous y entraîner. » (Voir les positions pacifistes de Raspoutine en 1914)
  • faire rendre par la Russie les acquisitions territoriales illégitimement acquises au XX° siècle : au premier chef Kaliningrad (Koenigsberg, la patrie de Kant véritable exclave en terre polono-balte), mais également la Carélie orientale (à rendre aux Finlandais), les ïles Kouriles et l'ïle de Shakaline au Japon, l’île Bolchoï Oussouriisk à la Chine, ...
  • restitution des oeuvres d'art européennes (en particulier françaises) volées en Allemagne en 1945
  • remboursement des "emprunts russes"

3 - établir un calendrier précis

4 - déterminer l'action à même d'arracher la décision à savoir :

  • permettre à Kiev de déployer sur le territoire de Moscou les forces russes libres en les dotant des moyens de combats requis. Seul le transport, limité et contrôlé du conflit permettra aux Russes de prendre conscience de la cruauté d'une guerre dans le Kremlin leur cache la réalité.
  • acter sans plus attendre une vaste politique d'accueil intermittant qui, affaiblissant la Russie poutinienne en la vidant de ses meilleurs talents, préparera ses nouveaux dissidents à reprendrele pouvoir.
  • passer à une économie de guerre qui est une économie dirigée, contrôlée, où l'on sort du cadre d'une constitution démocratique, où l'on réquisitionne des entreprises pour abandonner leur activité normale au profit d'armement ou d'autres matériels nécessaires à la conduite de la guerre.

II - « Pourquoi l'Occident n'a pas dit son dernier mot »

Extrait de l'article de Thomas Mahler, Charles Haquet, Cyrille Pluyette dans l'Express n° 3788 du 8 février 2024 (page 18 et svt).

1 - La faiblesse de l’Europe face au conflit ukrainien

Pour des intellectuels comme Thierry Wolton ou Nicolas Tenzer, la grande faiblesse de l'Occident est avant tout de ne pas avoir suffisamment été lucide face aux évolutions idéologiques de ses adversaires, à commencer par la Russie. « Il y a eu de la corruption et une influence invasive du régime de Poutine jusque dans l'entourage des dirigeants occidentaux. Mais aussi une absence totale de sens moral devant les crimes massifs commis par la Russie depuis 24 ans : guerre de Tchétchénie, Géorgie, Syrie, Ukraine …Rien qu'en Syrie, Poutine a tué bien plus de civils que Daesh. A cela, s'ajoute un phénomène de peur face à des Etats autoritaires. Mais, au-delà de tout, je constate un échec intellectuel. L'école réaliste, ou ce que Raymond Aron appelait le pseudo réalisme, n'a pas tenu compte de la menace russe. Or l'objectif principal de Poutine, c'est de réviser les frontières et de détruire les normes et les règles de droit ». Estime Nicolas Tinzer.

2 - L'avenir de l'Europe reste suspendu à celui de l'Ukraine.

Or, jusqu'à présent, les 27 sont à la peine. Division, hésitation, rebuffades … face à une machine de guerre russe qui monte en puissance, l'Europe n'est pas à la hauteur. L'aide est insuffisante, trop tardive. Pis, nous ne sommes pas capables de produire des armes et des munitions en masse. C'est pourtant nécessaire, pour éviter le scénario noir d'une victoire de la Russie, qui nous affaiblirait et ternirait notre image à l'international. « Les Européens doivent se mobiliser pour fournir aux Ukrainiens les moyens de terminer cette guerre en position de force. Plus le conflit se prolonge, plus ils en sortiront affaiblis, et l'Europe avec eux. Si elle s'en donnela peine, l'Europe peut casser le narratif de la Russie, selon lequel elle est en train de gagner » estime l'ancien diplomate Michel Duclos, pour qui il faut se concentrer sur la livraison d'armes capables de déstabiliser la Russie, comme les missiles Scalp qui permettent des frappes en profondeur.
Car la guerre en Ukraine est observée de près par les pays du Sud, qui jauge la puissance européenne à cette aune.

III - « Ne plus interdire à Kiev d'intervenir sur le territoire de Moscou »

Extrait de l'article du 23 février 2024 de Jean-François Colosimo, théologien, spécialiste du monde orthodoxe, directeur général des éditions du Cerf. Il a notamment publié « La Crucifixion de l'Ukraine. Mille ans deguerre de religion en Europe. » Albin Michel 2022 et « Occident, ennemi mondial n°1 » 2024

La guerre d'Ukraine est notre guerre.
Moscou a réactivité rien moins que la religion de l'inhumanité
Vladimir Poutine a cru qu'il lui suffirait d'une opération éclair pour renverser un gouvernement fantoche, subjuguer une population désunie, annexer une nation fictive, reclouter une terre perdue à l'ancienne
empire éclatée- le monde russe qui reviendrait de droit divin au kremlin. () (Le pouvoir poutinien) est un pouvoir cannibale. () L'Occident mène une guerre par délégation.

L'Occident a coché les fautes stratégiques qui font les faillites morales : ne pas désigner l'ennemi, ne pas circonscrire l'objectif, ne pas établir de calendrier, ne pas déterminer l'action à même
d'arracher la décision.
Les adorateurs du renoncement face à Moscou ont trouvé pour alliés leurs adversaires présumés, les adorateurs de la dépendance à l'écart de Washington. () qui partagent une russophobie hystérisée.

L'erreur magistrale de l'Europe, congénitalement pusillanime, forclose dans son rêve de paix perpétuelle, brutalement réveillée par le bruit des canons, aura été d'ignorer que sauver les Ukrainiens des Russes réclame de sauver les Russes de Poutine.

Les 23 et 24 juin 2023, l'équipée d'Evgueny Prigogine, marchant sur Moscou à la tête des miliciens du groupe Wagner avant de dételer, a montré la faiblesse d'une mafia étatique dont tous les satrapes avaient fui la capitale. En avril 2022, en mai 2023 et en décembre 2023 les incursions armées à Belgorod, centre névralgique russe à deux pas la frontière, soldées chaque fois par la panique des institutions et l'évacuation des populations ont montré la fragilité d'une oligarchie repue et usée face à une attaque sur son sol. Le 16 février 2024, l'assassinat programmé d’Alexeï Navalny, martyr christique à la Dostoïevski a montré la fébrilité d'un tyran paranoïde, déjà halluciné par sa fin inéluctable.

Il faut permettre à Kiev de déployer sur le territoire de Moscou les forces russes libres en les dotant des moyens de combats requis.Seul le transport, limité et contrôlé du conflit permettra aux Russes deprendre conscience de la cruauté d'une guerre dans le Kremlin leur cache la réalité.

Des Russes lobotomisés par l'hypermnésie des hécatombes de Stalingrad et l'amnésie des purges de Staline.

S'il y a eu plusieurs vagues d'immigration russes depuis1917, celle qui a commencé le 24 février 2022 est de loin la plus importante, la plus jeune, la plus ouverte.

L'Europe doit acter sans plus attendre une vaste politique d'accueil intermittant qui, affaiblissant la contrée cauchemardesque de Poutine en la vidant de ses meilleurs talents, préparera ses
nouveaux dissidents à reprendre le pouvoir.

Affermir Kiev et abattre Poutine constitue un seul et mêmeobjectif.

IV - « En Ukraine on ne peut pas exclure un dérapage engageant la dissuasion nucléaire »

Extrait de l’article du Figaro du 23 février 2024 de Thierryde Montbrial, président fondateur de l'Institut français des relations internationales.

Alexandre Gortchakov qui fut pendant près de 30 ans le ministre des Affaires étrangères en Russie après la guerre de Crimée eut ce mot, que Bismarck reprenait souvent : « La Russie n'est jamais aussi faible ni aussi forte qu'on le croit. »

En regardant l'histoire de la Russie, on constate que les guerres ont souvent mal commencé. Le Kremlin ne s'attendait certainement pas à la résistance extraordinaire des Ukrainiens ni au soutien occidental, tel qu'il s'est manifesté. Les Russes ont donc adapté leur stratégie, mais s'adapter est le propre des guerres, qui sont toujours pleines de surprises ?

Ces dernières années, on a assisté à une reproduction élargie - de manière plus ou moins explicite - de la guerre froide. En ce sens les États-Unis, qui se présentaient autrefois comme les leaders du monde libre, entendent se présenter aujourd'hui comme ceux du monde des démocraties.

Mais la guerre d'Ukraine - je préfère ce terme à celui de guerre en Ukraine puisque, de facto, c'est une guerre qui ne se cantonne pas aux territoires ukrainiens - a souligné une forme de renaissance de plus en plus visible de pays plus ou moins dictatoriaux ou autocratiques.

L'issue de ce conflit reposera surtout sur les États-Unis. () Sur le plan économique, la marge de manœuvre de l'Union européenne me paraît également limitée. Or, on constate que les États-Uniscommencent à hésiter. L'Ukraine est un pays lointain pour les Américains, malgré sa diaspora. La population dans son ensemble s'y intéresse peu, malgré les lobbys qui la soutiennent.

L'expérience montre que le sentiment de lassitude des guerres éloignées finit par l'emporter tôt ou tard.

Abandonner les Ukrainiens ferait voler l'Union européenne en éclats, de la manière la plus apparente.

Mais jusqu'où soutenir l'Ukraine ? Le passage à une économie de guerre () c'est une économie dirigée, contrôlée, où l'on sort du cadre d'une constitution démocratique, où l'on réquisitionne des entreprises pour abandonner leur activité normale au profit d'armement ou d'autres matériels nécessaires à la conduite de la guerre. A ce stade, je doute que les Français ou les Allemands,
les Espagnols ou les Italiens entre autres acceptent d'entrer en économie de guerre.

Il y a de réelles différences entre les pays candidats à l'adhésion à l'UE. La Moldavie est petite. Rien de commun avec l'Ukraine, qui est un très grand pays à l'échelle européenne dont la puissance agricole
inquiète la Pologne elle-même.

L'Ukraine reste encore marquée par certaines pratiques soviétiques, notamment sur le plan de la corruption. Et l‘élargissement à l'Ukraine soulèvera d'immenses difficultés. Il me semble que l'Union européenne est menacée à court terme si elle ne soutient pas l'Ukraine, et à long terme par des engagements insuffisamment réfléchis. Il y a assurément un besoin de faire exister l'Europe géopolitiquement. Ce qui se meurt, c'est la conception d'une Europe fédérale. En fait, la construction européenne est à repenser de fond en comble.

L'architecture de sécurité élaborée au cours de la guerre froide - notamment avec la remarquable innovation diplomatique que fut l’arms contrôl ou « maîtrise des armements » - est à reconstruire entièrement. Il faudra beaucoup de temps.

À terme plusieurs issues sont concevables. Je n'exclus pas totalement le fait que l'Ukraine retrouve ses frontières de 1991. Mais cela supposerait des conditions inacceptables actuellement, à commencer par la neutralité du pays. Il est aussi possible d'imaginer, hélas, un conflit gelé pendant des années ou des décennies, ou pire, je le répète, une montée aux extrêmes que certains commentateurs semblent appeler de leurs vœux, d'un côté comme de l'autre.