Sommes-nous en plein déclin ?
Chronique de Luc Ferry. Le Figaro du jeudi 7 novembre 2024 (page 19)
C'est en tous les cas la conviction de plus d'un tiers des Français.
(-) il faut distinguer 3 types de déclin :
Sur le plan démocratique, sur le plan économique, social et scientifique et enfin sur le plan moral et spirituel. Aux deux premières questions, l'honnêteté oblige à répondre non, mais plutôt oui à la 3e.
Sur le plan démocratique, il faut vraiment ne pas être une femme pour parler d'un déclin depuis les années 1930, une époque où les femmes n'avaient même pas le droit de vote ! Et si l'on regarde la vie
politique d'un point de vue plus général, il n'y a rien à y regretter : Hitler, Staline, Franco, Mussolini, Salazar, Pétain s'apprêtent à arriver au pouvoir où y sont déjà et dans les années 60, c'est Mao qui va prendre le relais. (-) Et même si l'on vise les années 1970 ce n'est guère mieux : l'Espagne, le Portugal et la Grèce ont encore des régimes fascistes tandis que les pays de l'Est et de l'Amérique latine sont peuplés de dictatures sanguinaires.
Sur le plan économique bien sûr les 1000 milliards de dettes accumulées au cours de la présidence Macron (sont calamiteuses). (-) et il faudra bien un jour se résoudre à diminuer le nombre de fonctionnaires et, pour tous ceux qui le peuvent, accepter de travailler plus.
Sur le plan économique, social et scientifique les progrès sont incontestables : entre les années 1930 et aujourd'hui le revenu réel des Français a été multiplié par 3 mais, quant à l'espérance de vie, elle était en 1900 de 45 ans, en 1950 de 62 ans, elle est aujourd'hui de 80 ans pour les âmes hommes et 85 ans pour les femmes en parallèle, les progrès ont été phénomén aux dans tous les secteurs de la science et de la médecine.
Sur le plan spirituel et les choses sont plus délicates.(-) Nous sommes passés des idéologies du bonheur différé, du bonheur dans une 2e vie, après la révolution pour les communistes ou au paradis pour les croyants, à l'exigence d'un bonheur ici et maintenant, en 15 leçons grâce à des coachs et des gourous de développement personnel. - (Ce qui entraîne) un effondrement du rapport traditionnel au travail. Pourquoi perdre sa vie pour la gagner ? le « Big quit » et le « Quiet quit », la multiplication des arrêts de travail et le refus de toute réforme des retraites allongeant la durée de cotisation viennent illustrer cette situation nouvelle comme, au passage, l'effondrement des idéaux collectifs et du souci du bien commun au profit d'un éloge du narcissisme, de l'amour de soi et d'une quête d'un bonheur qui se doit désormais d'être personnel. Face à cet individualisme égocentrique, à cet Occident qui s'endort peu à peu dans un souci de soi à courte vue, le « Sud global » se réveille sous l'égide
de la Russie, de la Chine et de l'Inde qui dominent les Brics. Faute d'un sursaut salvateur la seule chose qui sera en marche, c'est notre déclin.