1 - Extrait de la chronique de Charles Jaigu « Quand la Chine rejoue la guerre des civilisations tête-à-tête » Le Figaro, jeudi 7 mars 2024 (p15)
Q - Quand, pourquoi et comment le comportement de la Chine communiste a-t-il changé vis-à-vis de l’Occident ?
La Chine des matins calmes n'est plus. Depuis longtemps, on observe la mue, qui remonte à la fin de la première décennie du nouveau siècle. Pékin a vu l'Occident mordre la poussière après la violente crise financière dite de « Lehman Brothers ». Cette fragilité a changé la prudence chinoise en assurance et même en arrogance.
Q – Quels effets les pressions chinoises ont-elles sur les Taiwanais ?
(Les pressions chinoises sur Taïwan sont pour l’instant vaines) car jamais les Taïwanais n'ont été aussi peu prochinois.
Q – La classe politique française de droite a-t-elle été plutôt sinophile ou sinophobe ?
Les auteurs de l'ouvrage « Les opérations d'influences chinoises, un moment Machiavélien » font donc litière de la sinophilie à laquelle notre classe politique a volontiers cédé. Valérie Giscard d'Estaing dormait avec un exemplaire du Livre de la sagesse de Confucius sur sa table de nuit. Il admirait le sens du long terme prêté à une élite pékinoise plus mandarinale que communiste. Il n'était pas le seul. Jacques Chirac, c’est bien connu, partageait la même dilection pour l'Orient extrême. Puis nous eûmes Jean-Pierre Raffarin, souple et habile représentant des intérêts chinois.
Q - Qu'est-ce qui a renforcé cette propension vis-à-vis de la Chine ?
Et d'autres encore, venus de l’anti-américanisme, et à la recherche d'une puissance d'équilibre.
Q - La gouvernance chinoise est-elle patiente ? Pourquoi ?
Depuis, on a compris que la gouvernance chinoise n'est ni patiente, ni pacifique, elle est impatiente et belliqueuse.
« Ils ont le sentiment qu'une fenêtre d'opportunité s'est ouverte et qu'il faut la saisir car elle peut se refermer dans 10 ans, ils savent que leur pays ne sera pas toujours aussi fort et aussi stable, que la population vieillit, qu'elle n'a pas de système de retraite, que les pouvoirs locaux sont surendettés ; or face à eux, s'ils ont la certitude que l'Europe est décadente pour longtemps, ils ne sont pas
certains que ce soit le cas des États-Unis : il leur faut imposer leu rtempo maintenant » Pierre Charron
Q – Les promesses chinoises sont-elles fiables à l'international ?
Hong Kong est depuis 2020 sous un joug martial qui fait fi de la promesse « un pays, deux systèmes ».
Q - Le régime de Pékin peut-il séduire le reste du monde ?
« Pékin a compris la faiblesse du système occidental, et il a aussi compris qu'il ne réussirait jamais à séduire le reste du monde comme les Américains ont réussi à le faire par leur industrie culturelle notamment ».
Q - La gouvernance chinoise est-elle globalement pacifiste à l’international ?
Le rattachement de Taïwan à la Chine est devenu une obsession, tout comme la domination sur la mer de Chine qui donne lieu à d'innombrables provocations de l'armée chinoise. Et les Ouïgours sont broyés par une tutelle policière implacable. Sans parler du Tibet et de la frontière avec l'Inde.
Q -Le modèle démocratique est-il redouté du Parti communiste chinois ?
Le Parti communiste chinois redoute plus qu'on ne le pense la force d'attraction du modèle démocratique. La révolte de Tiananmen en 1989 a laissé une trace profonde « Ils se sentent menacés par la démocratie, c'est ontologique. Ils ont un besoin vital de démontrer qu'elle est inférieure à leur système de gouvernement » insiste Charon.
Q – En quoi peut-on parler d’un moment machiavélien que traverserait actuellement la Chine ?
Machiavel, dans Le Prince enseigne qu'il est plus facile d'être craint qu'aimé. (NDLR : Ce que pratique haut la main les dirigeants chinois.)
Q - Comment les dirigeants chinois de positionnent-ils par rapport au léninisme ?
Mais c'est aussi le grand retour du léninisme. La stratégie dite du "front uni" qui mobilise toutes les forces amies est issue de cette vieille culture de combat.
Q - Quel est l’objectif obsessionnelde la politique internationale chinoise ?
De même, la coordination du parti, de l'armée et des forces du marché est au service d’un objectif obsessionnel d'affaiblissement de l'adversaire occidental.
Q – Quel a été l’effet de la mondialisation sur le PCC (Parti Communiste Chinois) ?
L'entreprise Huawei est détenue à 98% par un obscur syndicat du PCC. « Nous faisons face à un parti léniniste disposant d'énormes ressources économiques, technologiques et militaires » écrivent les auteurs. La mondialisation n'a pas dilué le PC dans le marché, elle l'a renforcée et a augmenté son contrôle social sur la population.
Q – Comment se traduit la politique de renseignement chinoise ? Est-elle similaire à celle que pratique la Russie de Poutine ? Quelle rôle joue-t-elle dans leurs relations ?
(Le renseignement) est un point important du rapprochement entre les 2 puissances (russe et chinoise). Il s'agit des tentatives de déstabilisation par la propagation de fausses nouvelles, de l'aide matérielle fournie au mouvement d'extrême droite ou gauche, ou aux indépendantistes
- c'est le cas en Nouvelle-Calédonie, ou sur l'île japonaise d’Okinawa.
Q - Les routes de la soie restent-elles la priorité de la stratégie internationale chinoise ?
(La Chine) pour réussir le mieux possible cette bascule d'une position défensive à une attitude d'attaque, s’est mise à l'école de Poutine. Cette énième » russisation » signifie que le pouvoir d'influence par la culture et l'économie - les routes de la soie- n'est plus la priorité, et qu'on lui préfère le rapport de force classique, et le pouvoird'ingérence par la guerre hybride.
Q – Les autorités chinoises pratiquent-ils le doxing et la « chasse au renard » ?
Il y a la pratique du « doxing » quiensevelit un individu sous une montagne de mails haineux. Il y a la « chasse au renard »,qui traque les dissidents et les ramène au pays manu militari, avec l'aide des
Chinois de la diaspora, très souvent mobilisés.
Q - Qu’elle a été la faiblesse de l’Occident face à la Chine ?
« Il y a eu une violation de souveraineté et nous n'avons pas réagi. »
Q – Sur ce plan, de la faiblesse occidentale que nous enseigne l’exemple suédois ?
La Suède a longtemps été très appréciée des Chinois, et réciproquement. (Mais la Suède étant à cheval sur les droits de l'homme) la Chine est désormais jugée négativement par 80% des Suédois. »
Q – Quelle est l'image actuelle de la Chine dans le monde occidental et non-occidental ?
Ce tournant agressif de la Chine a largement contribué à la dégradation brutale de l'image de la Chine dans le monde cesdernières années - et pas seulement en Occident. »
Q – Qu’elle est l’efficacité des opérations chinoises de déstabilisation menées à l’extérieur du pays ?
Les innombrables opérations chinoises menées ont fait pschitt. Qui croient que les États-Unis ont créé le COVID ou installé des laboratoires pour faire la guerre bactériologique en Ukraine ? Peu de monde.
2 - Extrait de la chronique de Sébastien Faletti « Legrand divorce entre la Chine et le marché », Le Figaro, jeudi 7 mars 2024 (p17)
Q - Quel % de prévision de croissance pour la Chine en 2024 son Premier ministre a-t-il annoncé et quelle a été la réaction des marchés ?
Les bourses de Shanghai et de Shenzhen ont réagi de façon éloquente au discours de LiQiang, à l'orée de l'Assemblée nationale populaire (l'ANP), le 5 mars en plongeant dans le rouge, à l'ouverture. Le Premier ministre chinois venait de prévoir environ 5% de croissance pour la Chine en 2024., l'une des cibles les plus basses depuis 3 décennies.
Q – Qu’est-ce qui a surtout déçu les bourses de la 2e économie mondiale ?
(Le Premier ministre n’a pas annoncé) de grand plan de relance au programme, décevant une nouvelle fois les bourses de la 2e économie mondiale. Alourdi par la dette, Pékin maintient le cap sur la montée en gamme de son industrie, en particulier le secteur technologique….
Q – Comment les valeurs boursières chinoises ont-elles évolué en 2023 ?
(Mais, dont ) l'indice CSI 300 a perdu 11% de valeur l'andernier, à rebours du reste de la planète.
Q - Y a -t-il une entente tacite entre apparatchiks chinois et yuppies de Wall Street ?
(Plus maintenant. Actuellement) la parole des timoniers rouges de la 2e économie mondiale se démonétisent rompant avec des décennies d'entente tacite entre apparatchiks et yuppies de Wall Street. Les boursicoteurs emboîtent le pas aux investisseurs étrangers, qui se détournent en masse de l'empire du milieu, entraînant une fuite des capitaux spectaculaires.
Q - A quel niveau les investissements étrangers en Chine sont-ils tombés ?
Les investisseurs étrangers en Chine sont tombés au plus bas depuis 1993. Un autre symptôme du divorce avancé entre les marchéset la Chine de Xi Jinping, à l'heure de son 3e mandat.
Q – Comment évoluent les fondamentaux de l’économie chinoise et son PNB ?
Pourtant, les fondamentaux du géant renaissant dont le PIB pèse près de 5 fois celui de l'Inde, reste solide, malgré le vieillissement de sa population : l'usine du monde est toujours en croissance, les classes moyennes s'élargissent et deviennent plus sophistiquées () Les avancées technologiques chinoise conquiert le monde, des voitures électriques aux stars de l'e-commerce Temu ou Shein.
Q – L’économie chinoise est-elleune économie de marché ?
La véritable cause de la défiance ne se trouve pas dans les statistiques, aussi controversées soient-elles, mais dans le virage étatiste et autoritaire, imprimé par le dirigeant le plus centralisateur depuis Mao. « La Chine ressemble de moins en moins à une économie de marché » juge Alicia Garcia Herrero, chef économiste Asie à la banque Natixis en ré-imposant la mainmise idéologique du parti sur le secteur privé, ce prince rouge nostalgique du modèle soviétique a rompu la confiance des grands argentiers du
capitalisme, tissée pas-à-pas par ses prédécesseurs, depuis Deng Xiaoping dans les années 1980.
Q – Quel a été le rôle du secteur privé dans l’évolution économique de la Chine ?
La mainmise régulatrice brutale sur la tech, précipitant lachute de Jack Ma fondateur d’Alibaba symbolise la mise au pas du secteur privé qui fut le moteur de l'extraordinaire décollage économique au tournant du siècle.
Q – Quels sont les deux principaux facteurs du décrochage de l’attractivité d’investissements en Chine ? Comment réagissent les grandes fortunes chinoises ?
L'idéologie alliée à l'opacité sont les 2 mamelles du décrochage de la Chine de Xi. L'incertitude distillée par les oukases d'un politburo transformé en boîte noire impénétrable à la main d'un dirigeant sans garde-fou sème l'anxiété chez les chefs d'entreprise, étrangers comme locaux, échaudés par la disparition du banquier de la tech Bao Fan. Comme un avertissement, poussant les grandes fortunes vers Singapour ou Tokyo et les autres à faire « la planche », une forme de résistance passive prisée par certains jeunes chinois désabusés.
Q – Quel est le rôle joué dans ce décrochage par la question taïwanaise ?
La crainte d'une escalade à Taïwan tétanise les groupes étrangers échaudés par les sanctions occidentales contre Moscou qui pourraient un jour s'abattre sur Pékin.
Q – Qu’est-ce qui donne des sueurs froides aux dirigeants des entreprises cotées à Wall Street dans leurs investissements actuels en Chine ?
La Chine est devenue impossible à investir« uninvestable » pour les grands fonds d'investissement américain – () alors que Washington multiplie les sanctions contre le secteur technologique,
les descentes de police dans les bureaux des cabinets comme Bain&Company, à Shanghai donne des sueurs froides aux « Boards » à Wall Street dans un climat nationaliste de lutte contre l'espionnage.
(NDLD : Bain & Company est un cabinet international de conseil en stratégie et management, dont le siège est situé à Boston, aux États-Unis. En 2019, il compte 58 bureaux répartis dans 37 pays.)
Q – Comment évolue le rôle de la Banque centrale chinoise ?
Désormais, la Banque centrale longtemps championne des réformes est pilotée par un fidèle lieutenant obsédé par le contrôle.
Q – Comment évoluent les groupes d'État chinois ?
Et les groupes d'État (SOEs) étendent leur empire sur l'économie à grand renfort de subventions, et sont sommées d'investir la bourse pour prévenir un krach.
Q – Comment évoluent le rapport des provinces avec le pouvoir central ?
Les provinces (sont) désormais au garde-à-vous d'un pouvoir plus centralisateur que jamais.
Q – Comment sont reçus les objectifs de croissance affichés par Pékin ?
Dans ce climat morose, les objectifs de croissance affichés par Pékin suscitent un scepticisme grandissant () car « L’idéologie l'a emporté sur le pragmatisme ».